Pourquoi reconstruire Rempart des Moines plutôt que de le rénover ?
Cette question est sur toutes les lèvres quand on évoque le projet de réhabilitation du site de Rempart des Moines.
Même si la matière est un peu complexe, prenons le temps de revenir sur les principales raisons qui ont amené au choix de la démolition et reconstruction de ce site.
Situation
Le site de Rempart des Moines a fait l’objet depuis plus de quinze ans de tentatives de programmation de réhabilitation dont aucune n’avait abouti de manière concrète.
En effet, dans ces bâtiments des années soixante, le confort de vie des occupants s’est dégradé avec le temps ; le bâti a vieilli et les dépenses énergétiques ont augmenté, vu l’absence d’isolation des immeubles.
La réhabilitation de ce site de 314 logements était indéniablement nécessaire ; la question centrale était de savoir comment procéder.
Etude de faisabilité
En 2014, avec le soutien de Beliris, une étude a été commandée auprès du bureau AT-Osborne pour analyser la faisabilité et les implications économiques et organisationnelles d’un projet de réhabilitation du site. Cette étude comportait 4 axes :
- L’analyse de l’existant
- L’audit technique
- L’analyse des besoins
- L’analyse des opportunités
L’analyse de l’existant et le contexte urbain ont été évalués au travers de 7 éléments : l’histoire, le tissu urbain environnant, l’accessibilité et la mobilité, les espaces publics, la densité, la forme urbaine et le panorama ainsi que les acteurs urbains.
L’audit technique visait à évaluer la structure et la stabilité des bâtiments, leur résistance au feu, la qualité des installations techniques et les performances énergétiques.
La troisième analyse a permis d’identifier plusieurs besoins :
- Disposer de logements de grande taille (actuellement 50% des logements sont des studios et des appartements 1 chambre)
- Maintenir, voire augmenter le nombre de logements
- Favoriser l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite
- Favoriser la mixité sociale
- Disposer de logements adaptés aux seniors
- Disposer de locaux associatifs
- Disposer de places de parking
Enfin, la dernière a mis en lumière 4 axes d’opportunités :
- Logements moyens : développement de la mixité sociale
- Logements adaptés aux seniors (financement COCOF)
- Salle de sport : relocalisation pour une plus grande liberté d’aménagement du site et corriger les défauts reprochés
- Espace public : améliorer la connectivité et le maillage des espaces publics
En définitive, cette étude a conclu que les immeubles sont bien obsolètes, qu’ils ne répondent plus aux besoins actuels et futurs et a pointé la question de la gestion des espaces extérieurs.
Elle privilégie donc une opération de démolition/reconstruction qui permet de rencontrer plusieurs opportunités :
- Action sur la forme urbaine
- Action sur l’espace public
- Action sur la salle de sport
- Diversification des fonctions des bâtiments
- Amélioration de la mixité sociale
- Augmentation du nombre d’habitants
Etude de stabilité et de résistance au feu
L’étude de faisabilité s’est doublée d’une étude complémentaire très poussée à propos de la stabilité des bâtiments et de leur résistance au feu. L’objectif était de mesurer si la structure actuelle des immeubles pourrait supporter les charges supplémentaires qu’imposent les normes d’aujourd’hui (bien plus exigeantes que celles en vigueur dans les années 1960). Pour ce faire, plusieurs sondages ont été réalisés sur les dalles, les poutres et les colonnes.
Au niveau de la stabilité, cette étude conclut que les immeubles actuels ne supporteraient pas sans risque l’excès de poids engendré par une rénovation :
- Les dalles sont insuffisamment armées
- Les poutres sont insuffisamment armées en termes d’étriers
- Les fondations sont souvent insuffisantes
En ce qui concerne la résistance au feu, l’évolution des normes incendies quasi inexistantes au moment de la construction de ces immeubles viennent expliquer les mauvais résultats obtenus.
L’étude conclut que si l’on souhaitait conserver et rénover les immeubles, il aurait fallu :
- Soit diminuer les charges, c’est-à-dire diminuer la hauteur des bâtiment et descendre à 5 étages les tours existantes. Sachant qu’actuellement il y a 8 logements par étage, le nombre de logements serait réduit à 40 par tour (au lieu des 64 actuels). De plus, si on réaménageait les logements pour en créer de plus grands, on passerait à 26 logements par tour, amenant le nombre total de logements sociaux à 130 (contre 201 sur le projet actuel).
- Soit renforcer et/ou protéger au feu toute une série d’éléments de structure. Les renforcements de structure étaient déraisonnables, en particulier pour les dalles et les fondations. Les protections au feu étaient envisageables, mais très coûteuses.
Aspects urbanistiques et patrimoniaux
Dès la première occupation des lieux, le sentiment d’appartenir à un complexe de logements en fracture avec le reste du quartier a été révélé, de même que des problèmes d’insécurité et de vandalisme.
L’implantation brutale de ces 5 tours de logements dans un tissu urbain traditionnel et fortement industrialisé à l’époque (quartier des fabriques), a créé une rupture dans le quartier ; ces bâtiments ne répondant en rien aux bâtiments environnants.
En conséquence, un projet de démolition-reconstruction permettra :
- d’effacer les problématiques soulevées ci-dessus,
- de reconfigurer le tissu urbain en s’intégrant aux autres ilots fermés du quartier,
- d’offrir un grand espace public de rencontre pour l’ensemble des habitants du quartier et une meilleure appropriation du site,
- de proposer des immeubles de 10-15 appartements de tailles diversifiées qui correspondent aux besoins actuels de logement des familles.
Conclusion générale
En résumé, l’étude de faisabilité a déconseillé la rénovation pour plusieurs motifs :
- Techniquement complexe
- Financièrement hasardeuse
- Urbanistiquement : ne permet pas un concept intégré au quartier
- Patrimonialement peu intéressante :
- Architecture d’après-guerre pour un relogement rapide suite à une forte hausse de population.
- Construction rapide et de mauvaise facture.
L’étude approfondie sur la stabilité et sur la résistance au feu a conclu que la conjonction des problématiques rencontrées au niveau des structures (dalles et poutres insuffisamment armées, fondations insuffisantes), de la résistance au feu et du confort acoustique rendait la rénovation déraisonnable : trop complexe, avec des risques budgétaires et de délais trop élevés, pour une moindre satisfaction des besoins avec une nette diminution du nombre de logements et surtout de personnes logées.
Sur base de ces études et des aspects urbanistiques et patrimoniaux, le Conseil d’Administration du Logement Bruxellois a décidé fin 2016 d’opter pour la démolition des immeubles et la reconstruction de logements conformes aux normes actuelles, plus vastes, correspondant aux besoins des habitants et assurant une mixité sociale au sein du site. Cette option a également été retenue par les autres instances décisionnelles : la Régie Foncière de la Ville de Bruxelles, la Société de Logement de la Région de Bruxelles-Capitale et la Ville de Bruxelles.